La recette des centenaires sur l’île d’Okinawa au Japon - Centenarians’ recipe on Japan’s Okinawa Island
L’île d’Okinawa attise ma curiosité depuis longtemps. Elle est connue pour avoir trois fois plus de centenaires qu’ailleurs et principalement des femmes. Pour certains scientifiques, Okinawa fait partie des 5 « zones bleues » de notre planète (avec 4 autres régions de Sardaigne, de Californie, du Costa Rica et de Grèce), des petites oasis où l'on recense un très haut pourcentage de centenaires toujours très actifs.
J’ai eu la chance de rencontrer le Dr Makoto Suzuki, le principal auteur de l’étude sur les centenaires à Okinawa. Lui-même âgé de 83 ans, le Dr Suzuki a fondé le centre de recherche pour la longévité au sein de l'université internationale d'Okinawa. Il travaille sur la question depuis près de 40 ans. Son bureau à Naha, sa capitale, est rempli de milliers de fiches cartonnées blanches. Un congélateur se trouve à côté de l'entrée. "Je garde les échantillons de sang et d'ADN de plus de 1000 centenaires à l'intérieur. C'est un trésor inestimable."
D'où les habitants d'Okinawa tirent-ils leur exceptionnelle longévité ?
"Je suis venu de Tokyo en 1976 pour évaluer les conditions de vie de la communauté. J'ai été surpris de voir autant de personnes âgées robustes et en bonne santé, qui vivaient dans leur propre maison. Quand j'ai étudié les données démographiques au bureau du gouvernement d'Okinawa, j'ai découvert que l'espérance de vie était beaucoup plus élevée ici qu'ailleurs au Japon. J'ai donc décidé d'y consacrer mes recherches," me confie-t-il.
Okinawa Island has been arousing my curiosity for a long time. It is famous for housing three times more centenarians (mostly women) than any other place. For some scientists, Okinawa is one of the five “blue zones” on our planet (the other four are Sardinia, California, Costa Rica, and Greece): small oases where there is a very high percentage of very active 100-year-old people.
I had the opportunity to meet Dr Makoto Suzuki, the main author of a study conducted on centenarians living in Okinawa. Now aged 83, Dr Suzuki was the founder of the Okinawa Research Center for Longevity Science at Okinawa International University. He has been working on the subject for almost 40 years. His office, located in Nasha, the capital, is filled with thousands of white cardboard files, and to one side of the entrance hall is a freezer. “I keep the blood and DNA samples of over 1,000 centenarians inside it. This is a priceless treasure.”
Where does the exceptional longevity of the Okinawa people come from?
He confides to me: "I came from Tokyo in 1976 to assess the community’s life conditions. I was surprised to see so many strong and healthy elderly people living in their own houses. When I analysed the data issued by the Okinawa Government Office, I discovered that the local life expectancy was much higher than anywhere else in Japan. So I decided to dedicate my investigations to the subject."
Les résultats de ses analyses ont débouché sur 4 facteurs essentiels :
1. L’alimentation
2. L’activité physique
3. L’auto-assistance (être en mesure de vérifier son propre état de santé)
4. Le système d’entraide mutuelle et la notion de groupe, essentiel dans la culture japonaise
1. L’alimentation
Okinawa possède des aliments miracles qui n’existent pas ailleurs comme par exemple, le goya, une sorte de concombre local qui contient un nombre important de vitamines B, C, K,…, des patates douces locales de couleur violette qui possèdent des nutriments très bénéfiques pour le corps, du tofu (plus de 20 sortes différentes existent sur l’île) et le loofah, une sorte de courgette qui peut aussi être utilisée pour se nettoyer le corps. L’île possède donc pleins de plantes et de légumes typiques et essentiels pour la longévité.
Il faut dire aussi que les centenaires consomment peu de viande et beaucoup de poisson. Les produits laitiers sont également rares dans leur alimentation. Ils mangent beaucoup de soja sous toutes ses formes, qui contient des phyto-oestrogènes aux effets anti-oxydants, anti-cancer et anti-ostéoporose et ils absorbent énormément d'eau fraîche, de thé mais peu d'alcool.
Mais il n’y a pas que cela. La manière de manger est très importante : lentement et avec d’autres. La sociabilité est très importante. Manger à satiété mais sans se gaver.
La manière de cuisiner est également primordiale. En effet, les centenaires cuisinent encore de manière traditionnelle. Une cuisson très lente. Tout l’opposé de la jeune génération qui se nourrit de fast-food. Une tradition culinaire qui se perd…
2. L’activité physique
Les personnes âgées sont généralement très actives. Elles ont généralement eu un emploi qui favorisait l'activité physique (la plupart étaient agriculteurs) et marchent beaucoup. Ils fument très peu. Certains exercent d’ailleurs toujours leur métier d’agriculteur aujourd’hui.
Les bienfaits de l'activité physique sont connus pour les bienfaits cardiaques, l’amélioration du sommeil donc un ralentissement du vieillissement, la sensation de bien-être, de "bonne fatigue" et la diminution des risques de diabète et d’ostéoporose.
3. L’auto-assistance
L’auto-assistance est un facteur important dans l’étude sur la longévité. Avoir un regard sur sa propre santé, que ce soit la santé physique, mentale, sociale et spirituelle. Et ce 4ème point est indispensable. La santé spirituelle concerne le fait d’avoir une raison d’être et surtout, une profonde motivation de se lever le matin. Selon le Dr Suzuki, les femmes vivent plus longtemps car elles sont plus « spirituelles » que les hommes. Ce sont elles qui prient tous les matins, qui invoquent les ancêtres pour demander de l’aide dans leur vie et celle de leurs proches. Une philosophie de vie plus en phase avec la nature et les flux d'énergie. Une façon d'aborder les difficultés de la vie qui se fait avec patience, tolérance et résilience.
4. Le système d’entraide mutuelle
La communauté est très importante dans leur vie : rester connecté, s’entraider, avoir des relations sociales.
The results of his research revealed four essential factors:
1. Food habits;
2. Physical activity;
3. Self-assistance (being able to assess one’s own health);
4. Mutual assistance networks and solidarity, which are essential aspects of the Japanese culture.
1. Food habits
Some miraculous food grows on Okinawa that does not grow anywhere else. For example: the goya, a local species of cucumber; a local purple sweet potato, containing nutrients that are very beneficial to the body; tofu; and the loofah, a kind of courgette than can also be used to clean the skin. So, plenty of local plants and vegetables that are essential to people’s longevity can be found on the island.
It should also be mentioned that the centenarians eat little meat, but plenty of fish. In addition, they seldom consume any dairy products. They eat a lot of soya (in all kinds of forms). Soya contains phytoestrogens, which are good for their antioxidant, anticancer, and anti-osteoporosis effects. They also drink a lot of fresh water and tea, but little alcohol. However, this is not all. The way they eat is fundamental: slowly and in company. The social aspect is very important. Eat your fill, but without excess. The way you cook is also essential. Indeed, the centenarians still cook in the traditional way; that is to say, very slowly, the exact opposite of the younger generations who love eating fast food. Therefore, their culinary traditions tend to disappear.
2. Physical activity
The elderly are usually very active. They used to have a physical professional activity (most were farmers). They walk a lot and very seldom smoke. In fact, some still work as farmers today. It is well-known that physical activity is beneficial to the heart, to the improvement of sleep (which consequently slows down the ageing process), and to general well-being. It also brings a sensation of “good tiredness” and lowers the risk of diabetes and osteoporosis.
3. Self-assistance
Self-assistance reveals itself as a critical factor in the research on longevity: looking after one’s own health condition, including physical, mental, social, or spiritual. And this last aspect is vital. Spiritual health implies having a reason to live, and a strong motivation to get up in the morning. According to Dr Suzuki, women live longer because they are more “spiritual” than men. They tend to be those who pray every morning, who appeal to the ancestors for guidance in their own lives and in their relatives’ lives. They follow a life philosophy that is more in line with nature and energy flows. They have a way of confronting life’s obstacles with patience, tolerance, and resilience.
4. Mutual assistance network
The notion of community is essential in their lives: they want to stay connected, help each other, and maintain social relations.
Le climat joue certainement aussi un rôle. C’est un paradis tropical ici : une moyenne de 20 degrés toute l’année et la vie insulaire qui comporte moins de stress au quotidien.
Il y a 40 ans, 32 centenaires vivaient ici à Okinawa et ils étaient presque tous actifs. Le Dr Suzuki constate qu’aujourd’hui, en 2016, 1011 centenaires vivent ici mais seulement 10% sont actifs. Ils vivent plus longtemps grâce aux meilleures conditions médicales qu’il y a 40 ans mais leurs habitudes ont changé et ils sont de moins en moins actifs.
The climate definitely plays a part in this phenomenon. It is a tropical haven here: an average of 20°C all year round, in addition to the island lifestyle which is generally less stressful on a day-to-day basis. Forty years ago, there were 32 centenarians living here in Okinawa, and almost all of them were active. Dr Suzuki observes that in 2016 their number rose to 1011, but only 10% are active now. Compared to 40 years ago, they have a greater life expectancy due to better medical services, but their habits have changed and they have become less and less active.
Mais les habitudes se perdent…
Les jeunes vivent désormais comme le reste du Japon : plus de stress, on perd les anciennes habitudes, on se nourrit de fast-food. La malbouffe est de plus en plus présente, influencée par la présence militaire américaine depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le changement des habitudes alimentaires est aussi lié au fait que chaque bâtiment a son distributeur de boissons et les fast-foods sont beaucoup moins chers que n’importe quel plat : un hamburger coûte 100 yens (0,85 euro), moins qu'une soupe de nouilles sans sel traditionnelle d'Okinawa. Rares sont ceux qui peuvent donc résister.
L’éducation a un rôle important à jouer selon le Dr Suzuki. « Il faut éduquer la nouvelle génération dès le plus jeune âge. Une éducation saine doit être mise en place. Les enfants doivent observer leurs grands-parents et non leurs parents. »
But good habits tend to disappear…
Nowadays, the local youth live in the same way as the rest of Japan: they live a more stressful life, giving up the old ways and eating fast food. Junk food is more and more common. It began to be imported with the American soldiers at the end of World War II. The change in food habits is also due to the presence of vending machines in every building. And fast-food is much cheaper than any local dish: a hamburger costs 100 yens (0.85 euro); that is, less than the traditional Okinawa salt-free noodle soup. So, very few can resist the temptation.
For Dr Suzuki, education plays a major role: “We must teach the new generation when they are very young. Health education must be implemented. And children must observe their grandparents, not their parents.”