Bhoutan : la recette protégée du bonheur national - Bhutan: the protected recipe of national happiness
Pour les voyageurs (comme nous) en quête de territoires peu explorés et de valeurs fortes, le Bhoutan est bel et bien… le pays du bonheur ! Ce petit royaume himalayen, coincé entre deux géants industriels, la Chine et l’Inde, est parvenu au fil des siècles à préserver ses secrets, ses beautés et son mode de vie. La recette ? Un isolement choisi, loin de la mondialisation et du développement du monde moderne.
En arrivant à l’aéroport de Paro (Bhoutan), on se sent déjà chanceux. Si le pays a enfin ouvert ses portes aux voyageurs étrangers depuis 1974, on est loin de l’industrie de masse, le tourisme est volontairement limité par un prix prohibitif : dépense quotidienne exigée de 200 à 250 dollars par personne. « La philosophie que nous avons ici est un tourisme ‘high value and low impact’ pour protéger la nature, notre culture et nos traditions » nous indique directement Sangay Dorji, le guide qui nous accueille dès nos premiers pas sur le sol du Bhoutan. « Ici, pas de backpacker, tout le monde doit voyager avec une agence dans un tour organisé. » Ce montant quotidien couvre quasiment tous les frais (logement, transports, entrées touristiques, nourriture) ainsi qu’une « taxe de durabilité » pour préserver le pays des dérives touristiques. « On pourrait rapidement devenir un pays riche, mais le Bhoutan ne veut pas abîmer ses forêts et ses montagnes pour construire des hôtels, des tunnels, des autoroutes, … » conclut notre guide. Le Bhoutan a connu en 2016 un « record » de plus de 209 000 visiteurs internationaux (à peine plus que Durbuy chez nous) dont un quart d’Européens.
For travelers (like us) in search of unexplored territories and strong values, Bhutan is indeed ... the land of happiness! This little Himalayan kingdom, between two industrial giants, China and India, has managed over the centuries to preserve its secrets, its beauties and its way of life. The recipe ? A chosen isolation, far from globalization and the development of the modern world.
Arriving at Paro Airport (Bhutan), you already feel lucky. If the country has finally opened its doors to foreign travelers since 1974, we are far from the mass industry, tourism is voluntarily limited by a prohibitive price: daily expenditure required of 200 to 250 dollars per person. "The philosophy we have here is high-value, low-impact tourism to protect nature, our culture and our traditions," says Sangay Dorji, the guide who greets us from our very first steps in Bhutan. "Here, no backpacker, everyone has to travel with an agency in an organized tour. This daily amount covers almost all costs (accomodation, transport, tourist fees, food) and a "sustainability fee" to preserve the country from tourist drifts. "We could quickly become a rich country, but Bhutan does not want to damage its forests and mountains to build hotels, tunnels, highways, ..." concludes our guide. In 2016, Bhutan had a "record" of more than 209,000 international visitors (hardly more than Durbuy at home), including a quarter of Europeans people.
Sur un territoire un peu plus grand que la Belgique, seuls 797 000 habitants goûtent au « Bhutan way of life » et à l’unique « Gross National Happiness » le Bonheur national brut, inventé par le 4e roi du Bhoutan. Dans les années 70, le monarque a créé cette philosophie pour guider le développement du pays face au caractère « matérialiste et inéquitable » du sacro-saint Produit National Brut. Ici, la priorité c’est le bien-être du peuple, alors désormais chaque loi est soupesée au regard de son impact positif sur le baromètre du bonheur national.
Dans un monde en crise et en quête de nouveaux modèles, l’expérience bhoutanaise est observée curieusement par de nombreux spécialistes, économistes, responsables politiques. Depuis son lancement, le concept du BNB a été affiné et renforcé par des outils de mesure dans la population. Des indices, matériels et non-matériels, ont été créés autour des domaines-clés comme le niveau de vie, l’éducation, la santé, l’environnement, le développement durable, la bonne gouvernance et la résilience culturelle.
On a territory a little larger than Belgium, only 797,000 people taste the "Bhutan way of life" and the only "Gross National Happiness", invented by the 4th King of Bhutan. In the 1970s, the monarch created this philosophy to guide the country's development against the "materialistic and inequitable" nature of the Gross National Product. Here, the priority is the welfare of the people, so now each law is discussed with its positive impact on the barometer of national happiness.
In a world in crisis and in search of new models, the Bhutanese experience is curiously observed by many specialists, economists, politicians. Since its launch, the BNB concept has been refined and reinforced by measurement tools in the population. Indices, both material and non-material, have been created around key areas such as standard of living, education, health, environment, sustainable development, good governance and cultural resilience.
Voilà pour la théorie mais nous décidons d’aller explorer le bonheur en pratique loin de Thimphou, la capitale. Premier arrêt dans la vallée de Punakha. Le Bhoutan est un joyau naturel, le pays est aujourd’hui couvert de 72% de forêts (au-delà des 60%, seuil minimal imposé par la constitution). Ce poumon vert permet au Bhoutan d’être le seul pays carbone négatif de la planète (le Bhoutan absorbe plus de dioxyde de carbone qu’il ne pollue l’atmosphère). Nous rencontrons Sangay Om dans ses champs, en plein travail avec l’énorme récolte de riz de la famille. Comme 80% des Bhoutanais, Sangay Om vit de l’agriculture : « je suis très heureuse de la vie qu’on mène ici. Je ne connais pas grand-chose du GNH, je ne sais pas comment on vit dans d’autres pays, mais je suis heureuse au Bhoutan. Avec nos cultures, nous cultivons en bio et nous sommes autosuffisants. Nous vendons même le surplus de légumes ». Le Bhoutan veut devenir prochainement un pays 100% bio pour atténuer encore plus son empreinte écologique et soigner l’environnement, la clé de la politique du bonheur !
So much for the theory but we decide to go to explore the happiness in practice far from Thimphu, the capital city. First stop in the Punakha Valley. Bhutan is a natural jewel, the country is now covered with 72% of forests (beyond 60%, minimum threshold imposed by the constitution). This green lung allows Bhutan to be the only negative carbon country on the planet (Bhutan absorbs more carbon dioxide than it pollutes the atmosphere). We meet Sangay Om in her fields, working hard with the huge rice crop of the family. Like 80% of Bhutanese people, Sangay Om earns her life with agriculture: "I am very happy with the life we ave here. I do not know much about the GNH, I do not know how people live in other countries, but I'm happy in Bhutan. With our crops, we grow organic and we are self-sufficient. We even sell the vegetables because we have more than enough. Bhutan wants to become soon a 100% organic country to further reduce its ecological footprint and to care for the environment, the key to the politics of happiness!
Si le Bhoutan est probablement le pays « le plus heureux » au monde, la sérénité ambiante est aussi liée au bouddhisme, philosophie au cœur de la vie ici. Après plusieurs heures de marche en montagne, nous arrivons à l’Institut Nalanda d’étude du bouddhisme où vivent 130 moines. Karma Gyeltshen, jeune moine de 24 ans, vit ici depuis 5 ans : « Devenir moine, c’est la meilleure partie du bouddhisme ». Méditer, lire, prier et étudier, c’est son rêve depuis tout petit. Il nous explique sa recette du bonheur partagée par de nombreux Bhoutanais. « Le désir est le problème principal, si vous savez vous satisfaire de désirs limités, alors le bonheur s’installe. Vous devez connaître la différence entre besoins et envies. Le bouddhisme apprend de bonnes valeurs comme la compassion et le rejet des 3 poisons : désir, colère et ignorance ». Nous repartons l’esprit chargé de belles valeurs.
If Bhutan is probably the "happiest" country in the world, the ambient serenity is also related to buddhism, the philosophy in the center of life here. After several hours of walking in the mountains, we arrive at the Nalanda Institute of buddhism where 130 monks live. Karma Gyeltshen, a 24 years old monk, has lived here for five years: "Becoming a monk is the best part of buddhism". To meditate, to read, to pray and to study is his dream since childhood. He explains his recipe for happiness shared by many Bhutanese. "Desire is the main problem, if you know how to satisfy you with limited desires, then happiness settles. You must know the difference between needs and desires. Buddhism learns good values uch as compassion and rejection of the 3 poisons : desire, anger and ignorance". We leave the mind charged with beautiful values.
Les jours passent et nous comprenons qu’ici le « bonheur « n’est pas qu’un slogan marketing. Les Bhoutanais respirent le bonheur, la joie, le sourire. « Un sourire, ce n’est rien, c’est gratuit et ça rend heureux » nous dit Namgay, en pleine partie de fléchettes avec ses amis à l’arrière d’un temple. Aujourd’hui, dans la vallée de Bumthang c’est jour de fête, tous les hommes sont réunis en tenue traditionnelle pour s’adonner aux joies du pique-nique, des fléchettes ou du tir à l’arc, véritable sport national. « C’est le bonheur au Bhoutan car chez nous tout est gratuit » poursuit Namgay « l’éducation est offerte à nos familles, les soins de santé sont gratuits aussi ». Un autre homme, Gempo Dorji, se rapproche avec son arc et ses flèches : « Nous profitons du bonheur national brut car tous les services de base sont mis à la disposition de tous les Bhoutanais. Notre sérénité est créée par le Roi bien sûr mais aussi par nous-mêmes, au plus profond de nous car le Bhoutanais ne veut pas nuire à son prochain. C’est ça qui crée le bonheur ».
The days go by and we understand that here "happiness" is not just a marketing slogan. Bhutanese breathe happiness, joy, smile. "A smile is nothing, it's free and it makes you happy," says Namgay, in the middle of darts with his friends at the back of a temple. Today, in the Bumthang Valley, it is a day of celebration, and all men are gathered in traditional clothes to enjoy picnics, darts or archery, the national sport. "It's happiness in Bhutan because here everything is free" says Namgay "education is offered to our families, health care is free too." Another man, Gempo Dorji, is getting closer with his bow and arrows: "We take advantage of the gross national happiness because all basic services are made available to all Bhutanese. Our serenity is created by the King of course but also by ourselves, deep within us because the Bhutanese does not want to harm his neighbor. That's what creates happiness."
Se couper du monde moderne rend-il heureux ? On se pose inévitablement la question en découvrant ce mode de vie très traditionnel. Le Bhoutan est bien loin de notre mode de vie et de nos richesses. Si le pays se développe économiquement et a réduit drastiquement la pauvreté, 12% du peuple vit encore sous le seuil de pauvreté et le pays ne figure qu’à la 141e place (sur 188) au classement du développement humain des Nations Unies. Le Bhoutan s’ouvre de plus en plus au monde entier, mais son développement doit rester slow et durable, c’est la volonté des autorités et elle semble partagée par les citoyens rencontrés.
Bonne nouvelle : le bonheur bhoutanais semble contagieux, nous sommes profondément heureux d’avoir découvert ce pays unique au monde, nous imaginons mal déjà devoir le quitter, 12 jours seulement après notre arrivée. Notre dernière rencontre nous emmène à l'Early Learning Centre (ELC), une école privée de la capitale bhoutanaise. Deki Choden, la directrice, nous prouve que le bonheur et les bonnes valeurs du Bhoutan ne sont pas prêts de se diluer dans la grande marmite de la mondialisation. Ici, les pratiques contemplatives et la compassion sont au cœur de l'éducation pour œuvrer au bonheur universel et au développement de l’individu avant tout : « Le vrai peuple civilisé, c’est celui qui cultive l’empathie et la compassion pour son prochain. Jusqu’ici, le progrès n’a fait que cultiver le cerveau alors que le cerveau, seul, ne peut pas prendre de bonne décision ; sur la manière de protéger la planète par exemple. Vous pouvez être tellement brillant et gagner des millions sans penser aux générations futures. C’est pour ça que le cœur doit précéder le cerveau. C’est le nouveau sens à donner à notre éducation, selon moi ».
Does living far from the modern world make us more happy ? We inevitably ask the question by discovering this very traditional way of life. Bhutan is far from our way of life and our wealth. If the country develops economically and has drastically reduced poverty, 12% of the people still live below the poverty line and the country ranks only at 141st (out of 188) in the UN human development rankings. Bhutan is opening more and more to the whole world, but its development must remain slow and sustainable, it is the will of the authorities and it seems shared by the citizens we met.
Good news: Bhutanese happiness seems contagious, we are deeply happy to have discovered this unique country in the world, we imagine badly already having to leave it, 12 days only after our arrival. Our last meeting takes us to the Early Learning Center (ELC), a private school in the Bhutanese capital. Deki Choden, the director, proves that the happiness and good values f Bhutan are not ready to be diluted in the big pot of globalization. Here, contemplative practices and compassion are at the heart of education to work for universal happiness and the development of the individual above all: "The true civilized people are those who cultivate empathy and compassion for the others. So far, progress has only grown the brain while the brain alone can not make a good decision; on how to protect the planet for example. You can be so brilliant and make millions without thinking of future generations. That's why the heart has to precede the brain. This is the new meaning to give to our education, in my opinion. »
Il est temps de reprendre la route, admirer une dernière fois les curiosités de ce pays hors normes, ce Bhoutan sans feux de signalisation, sans panneaux publicitaires, sans tabac (interdit depuis 2004). Ce pays himalayen où l’ascension des pics vertigineux est prohibée pour ne pas déranger les divinités. Dans un monde de plus en plus mondialisé et homogène, le Bhoutan a le mérite de protéger ses valeurs et sa recette du bonheur !
It is time to take the road, to admire one last time the curiosities of this extraordinary country, this Bhutan without traffic lights, without billboards, without tobacco (banned since 2004). This Himalayan country where climbing dizzying peaks is prohibited not to disturb the deities. In a world increasingly globalized and homogeneous, Bhutan has the merit of protecting its values nd its recipe for happiness!
Et les vidéos... And the videos...