Immersion chez le dernier peuple nomade éleveur de rennes, les Tsaatan - Immersion among the last nomadic reindeer herding people, the Tsaatan

À l’extrême Nord de la Mongolie, dans un immense territoire vierge et glacé, vivent des nomades : les Tsaatan, surnommés "le peuple des rennes". Vivant dans de simples tipis dans des conditions souvent extrêmes, entourés de leurs cervidés, les Tsaatan, qui ne sont plus que quelques 220 individus (soit 44 familles), représentent l’une des dernières communautés de la taïga disséminée en petits clans familiaux. Ces éleveurs se déplacent avec leurs troupeaux à la recherche du précieux lichen sans lequel les animaux ne pourraient survivre. Mais aujourd'hui leur mode de vie ancestral, rythmé par la pratique du chamanisme, est menacé.

Rencontre avec ce peuple attachant et surtout, avec l’une d’entre eux, Khurzee Magsar.

In the far North of Mongolia, in an immense virgin and icy territory, live nomads: the Tsaatan, nicknamed "the reindeer people". Living in simple tepees in often extreme conditions, surrounded by their deer, the Tsaatan, who number only some 220 individuals (or 44 families), represent one of the last communities in the taiga scattered into small family clans. These breeders travel with their herds in search of the precious lichen without which the animals could not survive. But today their ancestral way of life, punctuated by the practice of shamanism, is threatened.

 Meeting with these endearing people and above all, with one of them, Khurzee Magsar.

Khurzee avec ses rennes dans la taïga. - Khurzee with her reindeer in the taiga.

La Mongolie, 1,5 million de kilomètre carré et moins de 2 habitants par kilomètre carré.

La Mongolie, c’est le 19e plus grand pays au monde, après l’Argentine.

En Mongolie, on compte plus de 3 millions d’habitants, 70 millions de bétail, 15 à 20 millions de chevaux, ce qui fait environ 20 à 30 animaux par personne. La moitié de la population vit à Oulan-Bator, située à 1350 mètres d’altitude. Aujourd’hui, 400 000 personnes sont encore nomades.

Les Tsaatan ou Doukha sont une ethnie minoritaire mongole, petite communauté touva, d'origine turque, vivant dans l'extrême Nord de la province du Khövsgöl, dans la taïga.« Tsaa » signifie « renne » en idiome tsaatan : les Tsaatan sont donc « ceux qui vivent avec les rennes.» Mais cette appellation est mongole, eux-mêmes préfèrent se nommer « les gens de la taïga ».

Mongolia, 1.5 million square kilometers and less than 2 inhabitants per square kilometer.

Mongolia is the 19th largest country in the world, after Argentina.

In Mongolia, there are more than 3 million inhabitants, 70 million livestock, 15 to 20 million horses, which is approximately 20 to 30 animals per person. Half the population lives in Ulaanbaatar, located at an altitude of 1,350 meters. Today, 400,000 people are still nomads.

 The Tsaatan or Doukha are a Mongolian minority ethnic group, a small Tuva community, of Turkish origin, living in the far North of the province of Khövsgöl, in the taiga. “Tsaa” means “reindeer” in the Tsaatan idiom: the Tsaatan are therefore “those who live with the reindeer.” But this name is Mongolian, they themselves prefer to call themselves “people of the taiga”.

Les Tsaatan utilisent leurs rennes comme moyen de transport. - The Tsaatan use their reindeer as a means of transportation.

Vivant dans de simples tipis dans des conditions souvent extrêmes, les Tsaatan sont les nomades les plus isolés de Mongolie. Ils recherchent le froid pour leurs rennes dont leur vie en dépend.

Living in simple tepees in often extreme conditions, the Tsaatan are the most isolated nomads in Mongolia. They seek the cold for their reindeer whose lives depend on it.

Les Tsaatan vivent dans de simples tipis dans des conditions souvent extrêmes. - The Tsaatan live in simple tepees in often extreme conditions.

Je partage quelques jours avec Khurzee Magsar, une femme tsaatan de 49 ans, mère de 4 enfants. Khurzee vit dans cette forêt sibérienne, à 3000 mètres d’altitude, avec 4 familles tsaatan.

I share a few days with Khurzee Magsar, a 49-year-old Tsaatan woman, mother of 4 children. Khurzee lives in this Siberian forest, at 3000 meters above sea level, with 4 Tsaatan families.

Khurzee Magsar est une femme tsaatan de 49 ans, mère de 4 enfants. Chez les Tsaatan, la femme est responsable de l’intérieur du tipi et des finances. Son rôle est extrêmement important. - Khurzee Magsar is a 49-year-old Tsaatan woman and mother of 4 children. Among the Tsaatan, the woman is responsible for the interior of the tepee and the finances. Her role is extremely important.

Une rencontre avec les Tsaatan se mérite, car le voyage est long avant d'atteindre la vallée de Darkhad. Même selon les critères mongols, cette vallée toute proche de la frontière avec la Russie est considérée comme très isolée.

8h du matin. Me voilà partie pour 10 jours de steppes, d’aventures, de froid, d’altitude, de poussière, de saleté et de vie nomade. Quitter la capitale Oulan-Bator, embouteillée, poussiéreuse, polluée et bruyante. C’est parti pour le Nord, la province du Khövsgöl mais surtout, parcourir des jours de route dans des paysages à couper le souffle. C’est ça la Mongolie !

A meeting with the Tsaatan is worth it, because the journey is long before reaching the Darkhad valley. Even by Mongolian standards, this valley close to the border with Russia is considered very isolated.

8am. I am leaving for 10 days of steppes, adventures, cold, altitude, dust, dirt and nomadic life. Leaving the capital Ulaanbaatar, congested, dusty, polluted and noisy. We're off to the North, the province of Khövsgöl but above all, to travel for days on the road in breathtaking landscapes. This is Mongolia!

En Mongolie, on compte un peu plus de 3 millions d’habitants, 70 millions de bétail, 15 à 20 millions de chevaux, ce qui fait environ 20 à 30 animaux par personne. - In Mongolia, there are more than 3 million inhabitants, 70 million livestock, 15 to 20 million horses, which is approximately 20 to 30 animals per person.

Une fois que l’on quitte la capitale mongole, on est plongé dans la nature et dans l’immensité des grands espaces. - Once you leave the Mongolian capital city, you are immersed in nature and the immensity of the great outdoors.

Sur la route, des paysages à couper le souffle au milieu des steppes mongoles. - On the road, breathtaking landscapes in the middle of the Mongolian steppes.

Bilguun est mon guide. Cet ancien nomade de l’Ouest de la Mongolie est aujourd’hui père de 4 enfants et citadin. Il me servira aussi d’interprète car Khurzee et les siens parlent un dialecte mongol, le Touvain.

 Première journée de route, environ 400 km au programme. Nous passons une nuit à Khutag Undur en pleine nature dans une « ger » (yourte) comme ils disent ici.

Le lendemain, cap sur la ville de Mörön (à 700 km de la capitale) et surtout, obtenir le précieux permis pour accéder à cette région proche de la Russie où vivent les Tsaatan. Dernière douche et dernière connexion wifi avant un petit temps.

Le lendemain, nous quittons la route asphaltée pour rouler au milieu des steppes. C’est encore une longue journée de route vers le village de Tsagaan Nuur où les chevaux nous attendent pour rejoindre Khurzee et les siens dans la taïga. Ce sera mon dernier lien avec la « civilisation ». On dort chez une famille nomade, qui vit de l’élevage de chevaux, de moutons, de chèvres et de vaches, comme la majorité des nomades en Mongolie. Je trouve que la mère de la famille est belle. Elle est souriante. D’après ce que je comprends, c’est un des fils qui sera notre « horseman » pour nous guider vers le campement des Tsaatan. Il est en train de caresser un chat dans la « ger » familiale. Il est jeune, 26 ans. Il m’observe. Elle cuisine. Le mari est bourré et dort par terre. Les nomades sont toujours très accueillants. Partager le thé au beurre salé est la tradition et ça ne se refuse pas. Dans la « ger » familiale, de la viande séchée pend au-dessus de ma tête. Ils ne vivent vraiment que de viande et de produits laitiers et leur vie est ponctuée par le rythme des animaux. Les Mongols ont un lien très étroit avec leurs animaux. Ils en dépendent pour leur subsistance.

Bilguun is my guide. This former nomad from Western Mongolia is now the father of 4 children and a city dweller. He will also serve as my interpreter because Khurzee and his people speak a Mongolian dialect, Tuvan.

 First day of driving, around 400 km on the program. We spend a night in Khutag Undur surrounded by nature in a “ger” (yurt) as they say here.

The next day, head for the town of Mörön (700 km from the capital city) and above all, obtain the precious permit to access this region close to Russia where the Tsaatan live. Last shower and last wifi connection for a while.

The next day, we leave the asphalt road to drive in the middle of the steppes. It’s another long day’s drive to the village of Tsagaan Nuur where the horses are waiting for us to join Khurzee and his family in the taiga. This will be my last link with “civilization”. We sleep with a nomadic family, who make their living from raising horses, sheep, goats and cows, like the majority of nomads in Mongolia. I think that the mother of the family is beautiful. She is smiling. From what I understand, it is one of the sons who will be our horseman to guide us to the Tsaatan camp. He is stroking a cat in the family “ger”. He is young, 26 years old. He is watching me. She is cooking. The husband is drunk and sleeping on the floor. The nomads are always very welcoming. Sharing salted butter tea is tradition and you can’t refuse it. In the family “ger”, dried meat is hanging above my head. They really only live on meat and dairy products and their lives are punctuated by the rhythm of the animals. Mongolians have a very close bond with their animals. They depend on it for their livelihood.

La mère de la famille nomade prépare des biscuits pour les invités qui accompagnent le traditionnel thé au beurre salé. - The mother of the nomadic family is preparing cookies for the guests to accompany the traditional salted butter tea.

Le « horseman » est en train de caresser le chat dans la « ger » familiale pendant que la mère cuisine. - The horseman is petting the cat in the family ger while the mother is cooking.

Après une nuit de sommeil chaotique car bercée par les ronflements de mon guide, nous prenons la route avec 4 chevaux : un pour le « horseman », un cheval pour les bagages, un cheval pour Bilguun et un pour moi.

C’est la deuxième fois que je fais du cheval dans ma vie et la première fois était déjà en Mongolie.

After a chaotic night's sleep lulled by the snoring of my guide, we hit the road with 4 horses: one for the horseman, a horse for the luggage, a horse for Bilguun and one for me.

This is the second time I have ridden in my life and the first time was already in Mongolia.

Notre « horseman » est en train de préparer les chevaux. - Our horseman is preparing the horses.

Le « horseman » me désigne le cheval blanc qui sera mon compagnon de route pour rejoindre le campement tsaatan. - The horseman points out to me the white horse which will be my traveling companion to reach the Tsaatan camp.

J’ai un cheval blanc pour une distance d’environ 4 heures seulement. Selon « le horseman », étant donné que c’est la saison des naissances de rennes, les Tsaatan sont moins éloignés dans la taïga que d’habitude. Mon cheval ne m’obéit pas. Il ne veut pas avancer. Dans un marécage, il tombe et s’enfonce et je suis obligée de mettre les pieds à terre. Et m…, j’ai mes chaussettes mouillées. Cela commence bien ! Bilguun me dit que je ne suis sans doute pas assez agressive avec mon cheval pour lui donner des ordres et qu’il m’écoute.

Et ce que je n’aime pas, c’est que parfois, le « horseman » ou mon guide tape mon cheval pour le faire avancer mais alors, il passe au trot et ça me fait flipper. J’ai beau dire « tchou tchou », le langage local pour faire avancer le cheval, il ne veut rien entendre.

 Le temps se gâte. Le vent est fort. Plus on avance et plus le temps se dégrade. Pluie, neige, vent, froid, -5 degrés. Nous montons en altitude et je le sens. J’ai les mains gelées. Je n’ai que des petits gants super légers. Le vent froid de Sibérie me pique sur le visage. On vit les 4 longues heures de cheval dans une tempête de grêle. Je me sens vivante dans ces conditions climatiques difficiles.

 J’aperçois le premier tipi. Alleluia ! Le poêle à bois qui fume trahit la présence de ses occupants.

Je suis trempée et gelée. On me pousse tout de suite dans un tipi tsaatan, chez Khurzee Magsar, qui sera notre famille d’hôte pour notre séjour. « Sain Baina-U » (« Bonjour »). Elle me pousse près du poêle à bois. « Bayarlalaa » (« Merci ») ! Cela me fait un bien fou mais il faudra attendre le lendemain pour que mes affaires soient totalement sèches. Après le traditionnel thé au beurre salé et observations mutuelles, on nous emmène dans le tipi voisin où nous dormirons Bilguun et moi.

I have a white horse for a distance of only about 4 hours. According to the horseman, given that it is the season of reindeer births, the Tsaatan are less distant in the taiga than usual. My horse does not obey me. He doesn't want to move forward. In a swamp, he falls and sinks and I am forced to put my feet on the ground. And sh…, my socks are wet. It's off to a good start! Bilguun tells me that I am probably not aggressive enough with my horse to give him orders and that he listens to me.

And what I don't like is that sometimes the horseman or my guide hits my horse to make him move forward but then he goes into a trot and that freaks me out. No matter how much I say “choo choo”, the local language to make the horse move forward, he doesn’t want to hear anything.

 Time is getting bad. The wind is strong. The further we advance, the worse the weather gets. Rain, snow, wind, cold, -5 degrees. We are climbing in altitude and I can feel it. My hands are frozen. I only have small, super light gloves. The cold Siberian wind stings my face. We experience the 4 long hours of riding in a hailstorm. I feel alive in these difficult climatic conditions.

 I see the first tepee. Hallelujah! The smoking wood stove betrays the presence of its occupants.

I'm soaked and freezing. I am immediately pushed into a tsaatan tepee, at Khurzee Magsar's, who will be our host family for our stay. “Sain Baina-U” (“Hello”). She pushes me near the wood stove. “Bayarlalaa” (“Thank you”)! This makes me feel really good but I will have to wait until the next day for my things to be completely dry. After the traditional salted butter tea and mutual observations, we are taken to the neighboring tepee where Bilguun and I will sleep.

A peine arrivée et trempée, on me pousse dans le tipi de Khurzee et de son mari. - Barely arrived and soaked, I am pushed into Khurzee and her husband's tepee.

Je décide de visiter les lieux. Au détour d’un arbre, un premier renne lève la tête. Puis deux. Vision féérique.

Les Tsaatan déplacent leurs tipis au rythme des saisons, environ 4 fois par an, pour nourrir leurs bêtes et perpétuer ce mode de vie hors du temps. Khurzee me confie que le 10 juin prochain, une fois que la période des bébés sera terminée, ils se déplaceront vers le camp d’été, plus haut vers le Nord pour chercher le froid pour leurs rennes et encore plus isolés du reste du monde.

I decide to visit the place. Around a tree, the first reindeer raises its head. Then two. Magical vision.

The Tsaatan move their tepees with the seasons, around 4 times a year, to feed their animals and perpetuate this timeless way of life. Khurzee tells me that on June 10, once the babies' period is over, they will move to the summer camp, further north to seek the cold for their reindeer and even more isolated from the rest of the world.

Les Tsaatan attachent les rennes entre eux pour les empêcher de s’échapper. - The Tsaatan tie the reindeer together to prevent them from escaping.

Scène de vie tsaatan, dans la taïga. - Scene of Tsaatan life, in the taiga.

Dans un tipi, comme sous une « ger », on y entre sans permission mais une division spartiate est de rigueur : l’espace à gauche est réservé aux invités, celui du fond aux proches et l’espace de droite est celui des propriétaires. Un poêle à bois se situe au centre, pièce maîtresse du tipi pour ne pas mourir de froid. On ne jette aucun déchet dans le feu car celui-ci est sacré. La femme est responsable de l’intérieur du tipi, de la cuisine, de faire du pain, de faire sécher la viande, de faire du fromage, du yahourt, du thé, d’entretenir le feu, des finances, de s’occuper des enfants et de leur éducation, de coudre les habits, de faire de l’artisanat,… alors que l’homme va couper du bois. A deux, ils se partagent les tâches liées aux rennes, sauf la récolte du lait qui est réservée aux femmes. Les membres de la communauté se rendent visite et discutent longuement sous le tipi et au coin du feu. Le temps semble suspendu.

In a tepee, as in a “ger”, one enters without permission but a division is required: the space on the left is reserved for guests, the one at the back for relatives and the space on the right is that of the owners. A wood stove is located in the center, the centerpiece of the tepee so as not to die of cold. No waste is thrown into the fire because it is sacred. The woman is responsible for the interior of the tepee, the kitchen, making bread, drying the meat, making cheese, yogurt, tea, tending the fire, finances, looking after children and their education, to sew clothes, to do crafts,… while the man goes to cut wood. The two of them share the tasks related to the reindeer, except from the milk harvest which is reserved for the women. Members of the community visit each other and talk at length under the tepee and by the fire. Time seems to stand still.

En tant que femme, Khurzee est responsable de la cuisine. - As a woman, Khurzee is responsible for the kitchen.

Les membres de la communauté se rendent visite et discutent longuement sous le tipi et au coin du feu. - Members of the community visit each other and talk at length under the tepee and by the fire.

Ils mènent une vie simple et rude, à l’image de leur culture et environnement : la taïga. Ils vivent de la chasse, de la cueillette, et essentiellement du lait de rennes qui est incroyablement riche en graisse et vitamines.
Les rennes sont au cœur de la culture tsaatan. Les Tsaatan comptent sur leurs rennes pour la presque totalité de leurs besoins fondamentaux: ils apportent du lait, du fromage et de la viande, même si c’est en faibles quantités. Ils utilisent leurs rennes comme moyen de transport aussi. Leurs bois, qui tombent tous les ans  et atteignent leur plein développement durant la période de rut, représentent un revenu non négligeable pour les familles. En plus d’être une source de nourriture et de revenu, les rennes fournissent aussi les Tsaatan en cuir, fourrure, et sont à la base d’une multitude de produits pouvant être utilisés comme monnaie d’échange. Leurs excréments servent de combustibles à leurs poêles à bois.

They lead a simple and harsh life, like their culture and environment: the taiga. They live from hunting, gathering, and mainly from reindeer milk which is incredibly rich in fat and vitamins.

Reindeer are at the heart of Tsaatan culture. The Tsaatan rely on their reindeer for almost all of their basic needs: they bring milk, cheese and meat, even if in small quantities. They use their reindeer as a means of transportation too. Their antlers, which fall every year and reach their full development during the rutting period, represent a significant income for families. In addition to being a source of food and income, reindeer also provide the Tsaatan with leather, fur, and are the basis of a multitude of products that can be used as currency. Their excrement serves as fuel for their wood stoves.

Les journées de Khurzee sont rythmées par les rennes. - Khurzee's days are punctuated by reindeer.

Les Tsaatan comptent sur leurs rennes pour la presque totalité de leurs besoins fondamentaux. - The Tsaatan rely on their reindeer for almost all of their basic needs.

La nuit a été glaciale. -8 degrés. J’ai dormi tout habillée et avec deux sacs de couchage. Je suis réveillée par le froid mais aussi par le cri des rennes et des enfants qui jouent dehors. Ils ne semblent pas souffrir du froid. Ils ont l’habitude de ces températures extrêmes et leurs corps se sont habitués. Les enfants et surtout les filles, enfin, une en particulier, Zaya, n’arrête pas de me demander de la pousser sur l’unique balançoire du campement. Les garçons jouent au football avec une pelote en poils de rennes. Je fais souvent des allers-retours entre notre tipi et la chaleur de son poêle à bois, et l’extérieur pour prendre des photos et voir ce qu’il se passe. Ne rien rater de ces moments uniques. Mon appareil photo a froid, les batteries se vident. J’ai aussi du mal à boire tellement l’eau est froide.

The night was freezing. -8 degrees. I slept fully clothed and with two sleeping bags. I am awakened by the cold but also by the shouts of reindeer and children playing outside. They don't seem to suffer from the cold. They are used to these extreme temperatures and their bodies have become accustomed to it. The children and especially the girls, well, one in particular, Zaya, keeps asking me to push her on the only swing in the camp. The boys play football with a reindeer hair ball. I often go back and forth between our tepee and the warmth of its wood stove, and outside to take photos and see what is happening. Don't miss any of these unique moments. My camera is cold, the batteries are dying. I also have trouble drinking because the water is so cold.

Zaya me demande sans cesse de la pousser sur l’unique balançoire du campement. - Zaya keeps asking me to push her on the only swing in the camp.

Les enfants jouent avec les bébés chiens devant leur tipi. - Children play with baby dogs in front of their tepee.

Les garçons jouent au football avec une pelote en poils de rennes. - The boys play football with a reindeer hair ball.

La vie de Khurzee est rythmée par les rennes. Elle se lève tôt le matin pour traire les femelles. Le troupeau est ensuite emmené sur les hauteurs du camp pour paître. Le loup représente un réel danger, notamment à la fin de l'été lorsque les premiers coups de froid arrivent de Sibérie. Chaque soir, les éleveurs de rennes attachent leurs bêtes à proximité de leur tipi. Les chiens du camp gardent les prédateurs à distance durant la nuit.

Khurzee's life is punctuated by reindeer. She gets up early in the morning to milk the females. The herd is then taken to the heights of the camp to graze. The wolf represents a real danger, particularly at the end of summer when the first cold snaps arrive from Siberia. Every evening, reindeer herders tie up their animals near their tepee. Camp dogs keep predators away during the night.

A 12h tapante, Khurzee sort pour traire les femelles et récolter leur lait. - At 12 noon sharp, Khurzee goes out to milk the females and collect their milk.

Chaque matin et chaque soir, les Tsaatan sortent et rentrent les rennes pour la nuit et ainsi, les protéger, entre autres, des loups. - Every morning and every evening, the Tsaatan take the reindeer out and bring them in for the night and thus protect them, among others, from wolves.

Le renne est un animal super curieux. Ils viennent régulièrement me renifler et voir si je n’ai pas du précieux sel avec moi qu’ils raffolent. Mais Khurzee a encore plus de travail que d’habitude car c’est la saison des naissances. Ce matin, un petit est né et j’essaie de m’approcher tout doucement et en gardant une certaine distance pour observer la maman et le bébé. C’est mignon !

The reindeer is a super curious animal. They regularly come to sniff me and see if I don't have some precious salt with me, which they love. But Khurzee has even more work than usual because it is birthing season. This morning, a little one was born and I try to approach slowly and while keeping a certain distance to observe the mother and the baby. It's cute !

Les rennes raffolent de sel, qui est essentiel à leur subsistance et qu’ils ne trouvent pas dans le sol de la taïga. - Reindeer love salt, which is essential to their sustenance and which they cannot find in the taiga soil.

Le printemps est synonyme de la saison des naissances. - Spring is synonymous with the season of births.

Ces mammifères sont indissociables de la taïga et de ses lichens. Les lichens, qui ne poussent que dans la taïga, sont vitaux pour les rennes puisqu’indispensables à leur flore intestinale. Quant aux extrêmes températures hivernales, les rennes survivent grâce à leur capacité à réguler la température de leur corps.  En réduisant la température du sang dans leurs pattes, ils peuvent transmettre de la chaleur dans le reste du corps. Ainsi, taïga, lichens et rennes constituent l’essence même du mode de vie des Tsaatan.

These mammals are inseparable from the taiga and its lichens. Lichens, which only grow in the taiga, are vital for reindeer since they are essential to their intestinal flora. As for extreme winter temperatures, reindeer survive thanks to their ability to regulate their body temperature. By reducing the temperature of the blood in their paws, they can transmit heat throughout the rest of the body. Thus, taiga, lichens and reindeer constitute the very essence of the Tsaatan way of life.

Les rennes constituent l’essence même du mode de vie des Tsaatan. - Reindeer are the very essence of the Tsaatan way of life.

Khurzee est riche pour une Tsaatan : elle et son mari possèdent 400 rennes, alors que la moyenne des familles tsaatan n’en possèdent que 100. Malheureusement, ils en ont perdu 100 l’année passée due aux conditions climatiques difficiles. Elle observe le réchauffement climatique : chaque année, les Tsaatan doivent s’aventurer toujours plus loin dans la taïga pour chercher le froid. Et pourtant, en hiver, de décembre à mars, la température peut descendre jusqu’à -60 degrés. Le temps et le climat se lisent sur les visages.

Khurzee is rich for a Tsaatan: she and her husband own 400 reindeer, while the average Tsaatan family only has 100. Unfortunately, they lost 100 last year due to difficult weather conditions. She observes global warming: every year, the Tsaatan must venture further into the taiga to seek out the cold. And yet, in winter, from December to March, the temperature can drop to -60 degrees. The weather and climate can be read on faces.

Khurzee et son mari possèdent 400 rennes, alors que la moyenne des familles tsaatan n’en possèdent que 100. - Khurzee and her husband own 400 reindeer, while the average Tsaatan family only owns 100.

Khurzee aime sa vie, elle est heureuse alors que je trouve sa vie tellement dure, selon mon point de vue occidental. Elle n’a jamais froid alors que je dors par -8 degrés. Elle vit en osmose avec la nature qui lui donne tout. Elle ne possède que l’essentiel dans son tipi de 10 mètres carré.

La vie est simple et ils semblent si éloignés de notre société et de nos tracas quotidiens. Mais leurs soucis sont différents : le bétail, les ours, les loups,… Se nourrir aussi.

La vie nomade est une vie libre, une vie simple. Juste l’essentiel. Proche de la nature.

Khurzee loves her life, she is happy while I find her life so hard, from my Western point of view. She never feels cold even though I sleep in -8 degrees. She lives in harmony with nature which gives her everything. She only has the essentials in her 10 square meter tepee.

Life is simple and they seem so far removed from our society and our daily worries. But their concerns are different: livestock, bears, wolves, etc. Feeding too.

The nomadic life is a free life, a simple life. Just the essentials. Close to nature.

La vie nomade est une vie libre, une vie simple. Juste l’essentiel. Proche de la nature. - The nomadic life is a free life, a simple life. Just the essentials. Close to nature.

Deux fois par mois, ils se rendent en ville pour faire des provisions de sucre, de riz, de farine, de sel,…

Les Tsaatan reçoivent 80 USD par mois par adulte et 40 USD par mois par enfant de la part du gouvernement pour les aider dans leur mode de vie. « C’est peu mais c’est mieux que rien », me confie Khurzee. Ils reçoivent également de l’argent pour l’éducation des enfants. Il faut savoir que le salaire moyen en Mongolie est de 500 USD par mois.

Twice a month, they go to town to stock up on sugar, rice, flour, salt, etc.

The Tsaatan receive $80 per month per adult and $40 per month per child from the government to help them with their lifestyle. “It’s not much but it’s better than nothing”, Khurzee tells me. They also receive money for the children’s education. You should know that the average salary in Mongolia is 500 USD per month.

Zaya fait la pause. - Zaya is so photogenic.

Alors que la majorité des Mongols sont bouddhistes, les Tsaatan, animistes, ont développé une pratique du chamanisme au fil des siècles. Le chamane agit comme un messager et fait le lien entre le monde des hommes et le monde des esprits. Ces derniers se trouvent partout : dans les arbres, les sources, les montagnes ou les ongon, supports sacrés fabriqués par l'homme en forme de figurines. Ils consultent un chamane pour différentes raisons comme pour des questions spécifiques sur leur vie en général, pour des soins de santé éventuels, pour obtenir une guidance. Le chamane est un maître spirituel.

Passer du temps avec Khurzee et les siens me procure une joie profonde même si je ne nie pas que les conditions sont difficiles. Au fil du temps et des discussions, je me rends compte qu’un des business des Tsaatan est le tourisme : partager et faire connaître leur mode de vie, accueillir des touristes en échange d’un peu d’argent. Le tourisme représente à la fois un défi et une aubaine économique pour les Tsaatan qui vendent de l'artisanat et accueillent des voyageurs chez eux. Mais cette influence extérieure peut aussi tendre à modifier leurs rites chamaniques et totémiques ancestraux.

 Aujourd'hui leur mode de vie ancestral est clairement menacé. Il y a d’abord l’industrie pétrolière qui détruit le précieux lichen dont se nourrissent leurs rennes.

Et depuis quelques années, le gouvernement exige que tous leurs enfants soient scolarisés dès l’âge de 6 ans. Les enfants sont scolarisés à Tsagaan Nuur et rendent visite à leurs parents le week-end ou pendant les vacances. Pour Khurzee et les siens, c'est un bouleversement susceptible d'accélérer la fin de leur vie nomade. Beaucoup ont déjà troqué leur vie nomade pour les zones urbaines.

Tel est le dilemme complexe de ces nomades à la fois attirés par le monde moderne et inquiets de voir leur univers peu à peu disparaître.

While the majority of Mongols are Buddhists, the Tsaatan, animists, have developed a practice of shamanism over the centuries. The shaman acts as a messenger and makes the link between the world of men and the world of spirits. The latter are found everywhere: in trees, springs, mountains or ongon, sacred supports made by man in the shape of figurines. They consult a shaman for different reasons such as for specific questions about their life in general, for possible health care, to obtain guidance. The shaman is a spiritual master.

 Spending time with Khurzee and his family gives me deep joy, although I do not deny that the conditions are difficult. Over time and discussions, I realize that one of the Tsaatan's businesses is tourism: sharing and publicizing their way of life, welcoming tourists in exchange for a little money. Tourism represents both a challenge and an economic boon for the Tsaatan who sell crafts and welcome travelers into their homes. But this external influence can also tend to modify their ancestral shamanic and totemic rites.

Today their ancestral way of life is clearly threatened. First there is the oil industry which destroys the precious lichen on which their reindeer feed.

And for several years, the government has required that all their children be in school from the age of 6. The children attend school in Tsagaan Nuur and visit their parents on weekends or during holidays. For Khurzee and his family, this is an upheaval likely to hasten the end of their nomadic life. Many have already swapped their nomadic lives for urban areas.

This is the complex dilemma of these nomads, both attracted by the modern world and worried about seeing their world gradually disappear.

On est vendredi. Les enfants sont scolarisés à Tsagaan Nuur et rendent visite à leurs parents le week-end. - It's Friday. The children attend school in Tsagaan Nuur and visit their parents on weekends.

Dès le plus jeune âge, Zaya monte un renne comme les autres nomades mongols montent un cheval. - From a young age, Zaya rode a reindeer like other Mongolian nomads ride a horse.

Il est temps de partir. Les chevaux nous attendent. Je ne suis pas ravie de reprendre mon cheval. Il m’obéit encore moins et je décide de faire une partie à pied, en laissant les hommes devant. Je n’ai pas envie de faire une chute. Je ne sais pas pourquoi mais je ne lui fais pas confiance. Il fait chaud ! Je dégouline. Nous descendons en altitude vers Tsagaan Nuur. Je suis fatiguée. Je n’ai pas d’eau avec moi. Le retour à la « civilisation » me paraît doux même si on est toujours au milieu de nulle part et que je rêve de pouvoir prendre une douche.

Nous passons la nuit dans la famille nomade. Je dormirai dans la voiture, évitant ainsi les ronflements de Bilguun et appréciant l’intimité d’une nuit. Les moutons, les chèvres et les vaches rentrent au bercail avec un magnifique coucher de soleil !

It's time to go. The horses are waiting for us. I'm not happy to get my horse back. He obeys me even less and I decide to do a part on foot, leaving the men in front. I don't want to fall. I don't know why but I don't trust him. It's hot ! I'm dripping. We descend in altitude towards Tsagaan Nuur. I am tired. I don't have any water with me. The return to “civilization” seems sweet to me even if we are still in the middle of nowhere and I dream of being able to take a shower.

We spend the night with the nomadic family. I will sleep in the car, avoiding Bilguun's snoring and enjoying the privacy of a night. The sheep, goats and cows return home with a magnificent sunset!

Les chèvres rentrent au bercail. - The goats return home.

Les moutons rentrent au bercail. - The sheeps return home.

Les vaches rentrent au bercail sous un magnifique coucher de soleil. - The cows return home under a magnificent sunset.

Demain, nous reprenons la route pour rejoindre la capitale. Deux longues journées de route qui me permettront d’avoir le temps de me remémorer cette aventure exceptionnelle, hors du temps.

Tomorrow, we hit the road again to reach the capital city, Ulaanbaatar. Two long days of driving which will give me time to remember this exceptional, timeless adventure.

Les paysages de la Mongolie offrent des cartes postales. - The landscapes of Mongolia offer postcards.

Le lac Khövsgöl est encore gelé. - Lake Khövsgöl is still frozen.